Page:Carnot - Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1860.djvu/32

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des quantités moindres que toutes celles qui peuvent être appréciées ou saisies par l’imagination. Bientôt ce principe opéra des prodiges entre les mains de Leibnitz lui-même, des frères Bernoulli, de l’Hôpital, etc. Cependant il ne fut point à l’abri des objections ; on reprocha à Leibnitz : 1o d’employer l’expression de quantités infiniment petites sans l’avoir préalablement définie ; 2o de laisser douter, en quelque sorte, s’il regardait son calcul comme absolument rigoureux, ou comme une simple méthode d’approximation.

L’illustre auteur et les hommes célèbres qui avaient adopté son idée, se contentèrent de faire voir, par la solution des problèmes les plus difficiles, la fécondité du principe, l’accord constant de son résultat avec ceux de l’analyse ordinaire, et l’ascendant qu’il donnait aux nouveaux calculs. Ces succès multipliés prouvaient victorieusement que toutes objections n’étaient que spécieuses ; mais ces savants n’y répondirent point d’une manière directe, et le nœud de la difficulté resta. Il est des vérités dont tous les esprits justes sont frappés d’abord, et dont cependant la démonstration rigoureuse échappe longtemps aux plus habiles.

« M. Leibnitz, dit d’Alembert, embarrassé des objections qu’il sentait que l’on pouvait faire sur les quantités infiniment petites, telles que les considère le calcul différentiel, a mieux aimé réduire ses infiniment petits à n’être que des incomparables ; ce qui ruinerait l’exactitude géométrique des calculs. »

Mais si Leibnitz s’est trompé, ce serait uniquement en formant des doutes sur l’exactitude de sa propre analyse, si tant est qu’il eût réellement ces doutes, ce qui ne paraît nullement probable ; et il pouvait répondre :

1o. Vous me demandez ce que signifie l’expression de quantités infinitésimales : je vous déclare que je n’entends point par là des êtres métaphysiques et abstraits, comme cette expression abrégée semble l’indiquer, mais des quantités réelles, arbitraires, susceptibles de devenir aussi petites que je veux, sans que je sois obligé pour cela de faire varier en même temps les quantités dont je m’étais proposé de trouver la relation.

2o. Vous me demandez si mon calcul est parfaitement exact et rigoureux ; j’affirme que oui, du moment que je suis par-