Page:Carnoy - Littérature orale de la Picardie.djvu/68

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heure, et tu vois que je n’ai pas de temps à perdre si je veux arriver à l’heure.

— Que diable peut donc être cet homme ? pensa le forgeron. Il veut être à Arras dans une heure… et il y a douze bonnes lieues d’ici à la grande place du marché de cette ville. »

Puis il reprit tout haut :

— « Volontiers, Monsieur, dans une demi-heure j’espère avoir terminé ; mais je puis bien vous assurer, et cela soit dit en passant, que nul forgeron à dix lieues à la ronde ne pourrait ferrer ainsi deux chevaux en une demi-heure, et tout le monde…

— Trêve de discours, dit l’inconnu d’un ton bourru, je ne me suis pas arrêté ici pour écouter tes billevesées ; ferre-moi l’un des chevaux et laisse-moi tranquille. Je ne puis attendre une demi-heure. Hâte-toi ! »

Le forgeron se hâta de son mieux ; mais, malgré toute sa célérité, il employa vingt bonnes minutes à ferrer l’un des chevaux. Il s’en excusait en mettant ce retard sur le compte du soufflet, de son aide, ou de la mauvaise qualité des clous ; mais l’étranger ne répondait pas et se contentait de hausser les épaules en signe de mépris. Voyant