Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/22

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la nature elle-même dans son jeu et la contraindre à son caprice ; elle virilise autant qu’elle peut sa manière de vivre, son costume, ses goûts, ses opinions, son talent. Elle va essayer de toutes les doctrines qui circulent à travers le monde, qui lui font espérer un meilleur avenir pour l’humanité ; elle a toutes les curiosités intellectuelles ; elle va les expérimenter sur le vif ; elle a l’impatience généreuse et déréglée du vrai absolu, et ce qu’elle a conçu comme vrai, elle n’imagine pas qu’on puisse l’ajourner un seul instant.

Déjà, à vingt-sept ans, que de régions d’idées n’a-t-elle pas explorées, en les traversant toutes sans se satisfaire et s’arrêter dans aucune ! Comme Wilhelm Meister, elle peut compter ses années d’apprentissage, et d’un apprentissage si rude ! L’Histoire de ma vie[1] nous les fera parcourir, et nous suivrons, dans cet itinéraire exact, plus d’un sentier douloureux. Nous saisirons là, en même temps, les sources mystérieuses d’où jaillit son imagination naissante.

  1. Sa grand’mère était la propre fille du maréchal Maurice de Saxe et d’une des demoiselles Verrière, bien connues au XVIIIe siècle. Son grand-père était le célèbre M. Dupin de Francueil, que Jean-Jacques Rousseau et Mme d’Epinay désignent sous le nom de Francueil seulement, et qui, à l’âge de soixante-deux ans, était encore un reste d’homme charmant du dernier siècle. De ce mariage était né Maurice Dupin, un militaire, brillant causeur la plume à la main, un peu trop ami des aventures, qui, très jeune, unit son sort à celui d’une fort aimable et spirituelle modiste de Paris, contre le gré de Mme Dupin, tour à tour indulgente et courroucée. Maurice Dupin eut, en 1804, une fille, Aurore, qui devait illustrer le nom de George Sand.