Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 8 —

eur chargeait quelqu’un de l’avertir de nous rejoindre à la Mékinac, lorsque nous vîmes sur la route de l’église, au milieu d’un nuage de poussière, une voiture qui venait à toute vitesse. C’était notre compagnon qui nous arrivait heureusement, et qui put prendre sa route avec nous.

Le train s’ébranle, nous faisons un certain bout de chemin, puis notre locomotive nous laisse sur la voie, et disparaît en suivant dans les buissons un embranchement fort tortueux. Les Forges Radnor sont à quelques arpents, on est allé y chercher des wagons chargés de fonte. Mais, me direz-vous, si le chemin de fer passait auprès des Forges, ce serait beaucoup plus commode et moins ennuyeux pour les voyageurs. Sans doute, et d’après le premier tracé fait par le regretté M. Legendre, le chemin passait au village Saint-Maurice et aux Forges Radnor, et la construction en devait être bien moins dispendieuse ; mais le comté de Champlain avait refusé de voter cent mille piastres en faveur de la compagnie du chemin de fer du Nord, et il fallait le punir de ce vote intelligent. Monsieur l’arpenteur Gaudet reçut donc l’ordre de faire un autre tracé, qui ne passât ni par l’Église ni par les Forges ; et le tracé fut fait et le chemin construit de cette manière. La conséquence, c’est que la gare de St-Maurice se trouve au milieu d’un champ, que l’on a été obligé de jeter un pont sur la rivière au Lard, et que pour relier le chemin de fer aux Forges, on a dû construire le détestable petit embranchement dont nous venons de parler. Disons entre nous qu’il y a des esprits étroits qui ne peuvent faire que des choses étroites ; il ne faut jamais mettre ces gens-là à la tête d’une grande entreprise, car ils gâtent tout. Les habitants de Saint-Maurice en savent maintenant quelque chose.

On va peut-être s’écrier que nous faisons des malices ; ne vous découragez pas, cher lecteur, cela ne nous arrivera pas souvent.

Notre locomotive revient, et nous reprenons notre route vers les Piles. Nous voici au lac à la Tortue, et nous admirons la gare la plus agréablement située de tout notre pays. Le lac a la forme d’une tortue, de là son nom, et la gare a été placée juste à la tête, de ma-