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Cependant le malin de cheval fit si bien qu’il nous obligea d’arriver à pied à la Grand’Mère. Cela fait moins de poussière et de bruit.

Monsieur Théophile Larue, gardien des estacades, vint recevoir Monseigneur qui arrivait en voiture, lui du moins, et nous entrâmes dans la maison que le gouvernement fédéral possède en cet endroit.

Après quelques minutes de conversation, nous partons pour visiter les travaux de la grande manufacture de pulpe. En passant, Monseigneur examine les machines d’une scierie qui fonctionne en cet endroit, puis nous voilà au milieu des ouvriers de la Compagnie.

On fait ici un travail gigantesque, et qui coûtera certainement un million de piastres. À côté de la chute, on pratique dans le roc vif un canal large et profond, qui pourrait recevoir au besoin le Saint-Maurice tout entier. C’est avec la dynamite que l’on fait ces travaux extraordinaires.

Une drille armée de son foret est mue par une petite machine à vapeur ; le foret, qui a le même mouvement que l’aiguille dans une machine à coudre, s’enfonce rapidement dans la pierre. Quand il est plongé dans toute sa longueur, on l’enlève et on le remplace par un autre plus long, et ainsi de suite jusqu’à ce que la pierre soit forée à une profondeur d’une vingtaine de pieds ; alors on met une fusée à laquelle se rattachent deux fils communiquant avec une petite pile électrique.

Les ouvriers s’éloignent de tous côtés ; l’un des ouvriers établit subitement le circuit en pesant sur une espèce de piston, et une étincelle jaillit dans la fusée : alors vous entendez comme un effroyable coup de canon, le rocher éclate et les débris en sont lancés dans les airs. On vous montrera auprès de la maison une pierre énorme qui a été ainsi lancée du fond du canal.

Les ouvriers reviennent, enlèvent tous les quartiers de roche qui viennent d’être détachés et les transportent plus loin. Quand on a vu le haut rocher qui s’élevait en cet endroit, et qu’on voit maintenant cette excavation au fond de laquelle les ouvriers nous pa-