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votre Révérence, et de nos Pères. Le cœur me dit que le temps de mon bonheur s’approche. Dominus est quod bonum est in oculis suis faciat. »

Il partit en effet, le 4 avril 1652. La troupe marchait un peu lentement, vu la manière dont elle était composée ; mais la chose la plus pénible et la plus désavantageuse, c’est qu’on était obligé de vivre de chasse pendant la route. Il fallait beaucoup de gibiers pour nourrir soixante personnes, et cependant la chasse est peu favorable et peu abondante en cette saison de l’année. On était parfois jusqu’à trois jours sans pouvoir saisir aucune proie, de sorte qu’aux fatigues du voyage il fallait ajouter le tourment presque continuel de la faim.

Le soleil du printemps fit fondre la glace sur laquelle on avait marché pendant les premiers jours, alors on se construisit des canots en écorce, et on commença à naviguer sur le Saint-Maurice. Mais la famine augmentant sans cesse, il fallut en venir à se séparer. En effet, par petites troupes les Sauvages avaient plus de chance de résister à la famine, et si une troupe mourait de faim et de misère, on pouvait espérer que les autres seraient épargnées.

Avant la séparation, le père Buteux dit la messe à ses ouailles, le jour de l’Ascension, et il les nourrit une dernière fois du pain des forts.

Se divisant alors en petits groupes, ils prirent les devants, et le missionnaire resta en compagnie d’un français nommé Fontarabie, bien accoutumé à la vie des Sauvages, et d’un jeune huron chrétien nommé Tsondoutannen. Il organisa sa petite expédition, et partit à son tour sur le Saint-Maurice, en canot d’écorce pour gagner le pays des Attikamègues. Les trois voyageurs ayant marché ainsi tout le reste du jour, cabanèrent où la nuit les obligea de s’arrêter.

« Le lendemain, qui était le dixième jour du mois de mai, ils continuent leur route, dit le père Paul Ragueneau ; et ayant été obligés de se débarquer par trois fois, en des endroits où la rivière va tombant dans des précipices, et où elle n’est plus navi-