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gable, (c’est-à-dire qu’en ces rencontres, il faut porter sur ses épaules son canot et tout son bagage), lorsqu’ils faisaient leur troisième portage, chargés chacun de son fardeau, ils se virent investis d’une troupe d’Iroquois, qui les attendaient au passage. Le huron, qui marchait le premier, fut saisi si subitement qu’il n’eut pas le loisir de faire aucun pas en arrière. Les deux autres, un peu plus éloignés, furent jetés par terre, les ennemis ayant fait sur eux la décharge de leurs fusils. Le Père tomba blessé de deux balles à la poitrine, et d’une autre au bras droit, qui lui fut rompu. Ces barbares se ruèrent incontinent sur lui, pour le percer de leurs épées, et pour l’assommer à coups de haches, avec son compagnon. Ils n’eurent point tous deux d’autres paroles en bouche que celle de Jésus. Ils furent dépouillés tout nus, et leurs corps furent jetés dans la rivière.

« Deux jours après, d’autres chrétiens qui tenaient le même chemin, tombèrent dans les mêmes embûches, et un jeune algonquin, que les Iroquois prirent vif, y fut brûlé cruellement sur le lieu même, n’ayant point d’autre consolation sinon de Dieu, qu’il invoqua jusqu’au dernier soupir. Ils réservaient le jeune huron pour le brûler en leur pays, mais Dieu lui donna le moyen de rompre ses liens au bout de quelques jours, et s’étant échappé tout nu de sa captivité, il arriva heureusement aux Trois-Rivières, le huitième jour de juin, et ce fut lui qui nous apporta ces tristes nouvelles, assez heureuses toutefois, puisqu’elles sont glorieuses à Dieu dans la mort de ceux qui consomment leur vie pour le salut des âmes. »

Les Attikamègues avaient perdu leur apôtre bien-aimé ! Ils vinrent de loin, avec une piété toute filiale, pour chercher sa dépouille mortelle, mais ils ne purent jamais la retrouver, bien qu’ils aient rencontré le corps du pauvre Fontarabie, à demi mangé par les corbeaux et les bêtes féroces.

Les Attikamègues n’avaient plus cet incomparable ami, ce père tendre qui les dirigeait d’une manière sûre dans les voies de la piété et de la religion, mais ils comptaient un protecteur de plus dans