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le ciel. Sans aucun doute, c’est aux prières de ce saint missionnaire qu’il faut attribuer la persévérance étonnante des Sauvages du Saint-Maurice dans la foi et la pratique des vertus chrétiennes.

Mais en quel endroit fut donc tué cet admirable père Buteux ? Beaucoup de mes lecteurs vont me répondre immédiatement : à Chawinigane. Cette opinion, en effet, sourit à un grand nombre de personnes ; et cependant, il faut bien avouer qu’elle n’est pas appuyée sur la vérité historique. Lorsqu’il tomba entre les mains des Iroquois, le père Buteux avait fait trois portages dans la même journée, et l’on veut croire que ces portages étaient ceux de la Grand’Mère, des Hêtres et de Chawinigane ; alors il faudrait conclure que le bon père est mort, non pas à Chawinigane, mais à la Grand’Mère, puisqu’il voyageait en remontant le Saint-Maurice. Si un voyageur allant des Trois-Rivières à Québec avait traversé trois paroisses dans une même journée, et qu’il eût été assassiné en traversant la troisième, je serais bien étonné de vous entendre dire qu’il est mort au Cap de la Madeleine ; je vous dirais avec raison : concluez au moins qu’il est mort à Batiscan.

Le père Buteux n’est pas mort, non plus, à la Grand’Mère ; cela est bien facile à prouver.

Il est parti des Trois Rivières le 4e jour d’avril, et sa troupe de soixante personnes s’est dispersée le 9e jour de mai, il avait donc marché avec les Attikamègues pendant 34 jours. Comme l’équipage était composé en grande partie d’hommes languissants, de femmes et d’enfants, et comme de plus il fallait vivre de chasse en route, supposons qu’ils n’aient fait que deux lieues par jour, tandis qu’à leur premier voyage ils en faisaient cinq. Et comme ils se trouvèrent dans le temps de la débâcle, supposons qu’ils aient été complètement arrêtés pendant 16 jours ; vous voyez que je me montre bon seigneur : eh bien ! nous arriverons encore à un total de 36 lieues parcourues, ce qui nous mène précisément à La Tuque. Or il n’est pas du tout raisonnable de supposer qu’ils aient fait moins que cela. Mais ce n’est pas tout. Après la séparation, le père