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tendre de toutes parts, et une voix octogénaire répéta plusieurs fois : Tabue onzam miroachim n’uttawi, certainement c’est trop beau, mon père. — Non, mes enfants, ce n’est pas trop beau, puisque c’est pour servir de demeure au Grand-Esprit. Savez-vous qui vous a donné cette belle chose ? — Eh ! non, mon père. — C’est un jeune négociant de Québec, qui vous aime beaucoup. — Il nous aime, s’écrièrent plusieurs à la fois ; mais nous connaît-il ? est-il déjà venu à Wémontachingue ? Non, jamais. — Mais comment se fait-il qu’il nous aime ? — C’est que je lui ai souvent parlé de vous. — Lui as-tu dit que nous étions bien méchants ? Je lui ai dit que lorsque vous ne connaissiez pas la grande prière (la religion), vous étiez bien méchants, mais qu’aujourd’hui vous aimiez bien le Grand-Esprit. — Eh bien ! tu lui diras que nous l’aimons beaucoup, depuis que nous le connaissons, et que nous ne cesserons de prier pour lui. Après quelques autres explications, nous nous séparâmes tous bien disposés à faire de notre mieux pour la fête du lendemain.

« À neuf heures et demie commença la grand’messe. Nos Sauvages y exécutèrent parfaitement bien une messe en chant grégorien ; le Gloria, le Credo, le Sanctus et l’Agnus Dei étaient traduits en leur langue. L’intonation du Gloria fut accompagnée d’une décharge d’artillerie ; une seconde décharge annonça que Dieu, obéissant à la voix de son ministre, était descendu au milieu de son petit troupeau. La messe terminée, la procession commença dans l’ordre suivant : le signe auguste de notre rédemption marchait en tête ; venaient ensuite les femmes parfaitement rangées sur deux lignes, puis quatorze petits enfants portant chacun un pavillon ; la compagnie de carabiniers qui formait la garde d’honneur du S. Sacrement ; enfin un chœur nombreux de chantres fermait la marche.

« Il vous eût fallu être présent et pouvoir contempler le recueillement et la piété de nos sauvages, pour vous former une juste idée de ce que cette cérémonie, toute simple qu’elle était, avait cependant