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n’est probablement pas la vérité. D’abord, croyez-vous sincèrement, vous, mon bienveillant lecteur, que les Cris soient partis de fond des territoires du Nord-Ouest, pour venir donner un nom à la principale chute du Saint-Maurice et à la petite rivière qui l’avoisine ? Moi je le croirai quand les poules auront des dents. Ensuite j’ai visité la chute par deux fois, avec le plus grand soin, et je n’y ai vu ni aiguille ni chas d’aiguille ; or je vous avertis que je ne suis pas myope. La petite rivière, de son côté, passe à travers les rochers comme toutes les criques et comme la plupart des rivières des territoires du Saint-Maurice, sans offrir rien de particulièrement remarquable.

Mais la crête de rocher que traverse le portage des prêtres, le dos d’âne que suit le Saint-Maurice avant de former la chute, et qu’il longe encore en s’éloignant, il faudrait être aveugle pour ne pas le voir.

J’admettrai bien facilement, cependant, que le mot Chabonigane a contribué pour sa part, dans ces derniers temps, à faire admettre plus généralement la terminaison gane dans le nom de la chute, au lieu de la terminaison game qui est beaucoup plus conforme au terme algonquin. Cette petite concession va suffire, je l’espère, pour nous mettre d’accord.

Je vois cependant qu’il vous reste encore quelque chose sur le cœur. Vous me dites avec un grain d’amertume : Pourquoi n’écrivez-vous pas, comme font tous les autres, Shawenegan ? C’est l’orthographe officielle ! Il est toujours agaçant de voir des personnes qui cherchent à se singulariser. — Je veux garder toute ma bonne humeur en répondant, mais ma réponse sera nécessairement catégorique : Je puis jeter mes écrits au panier, s’ils déplaisent aux lecteurs, car j’avoue que je les ai composés pour leur plaire ; mais je ne puis pas du tout faire usage de votre orthographe officielle.

Je sais que le nombre de ceux qui l’emploient est grand, mais je ne puis faire comme les autres sur ce point, et je vais vous en donner la raison.

Le mot dont il s’agit est un mot algonquin, vous le savez, ami lecteur ; vous savez de plus que les Sau-