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mais avec cette différence notable qu’au lieu d’être en sable rouge elles sont de terre franche.

L’après-midi est peu avancé, et cependant nous sommes déjà dans les limites de la paroisse de Saint-Maurice : évidemment, mon canotier fait des merveilles.

Mais une chose vient attirer tout spécialement notre attention : au milieu d’un champ cultivé, nous commençons à apercevoir une ruine. Une ruine sur le Saint-Maurice ! La colonisation y est à peine commencée, et on y voit déjà des ruines ! N’en soyons pas trop surpris : sur la terre les berceaux et les tombes se touchent ; et Châteaubriand a cru que dans le Paradis-Terrestre, au sein d’une nature toute brillante de jeunesse, Dieu avait mis des arbres tombant de vétusté. Cette maison en ruine se trouve dans le voisinage des forges Lislet ; elle fut bâtie par M. Bell, des Forges St-Maurice, qui avait établi une ferme, en cet endroit. C’était l’une des plus belles maisons du Saint Maurice.

Les forges Lislet, situées à quelque distance de la rivière, doivent sans doute leur nom à l’îlot de pierre que nous avons sous les yeux. Elles furent fondées en 1857 par M. Dupuis des Trois-Rivières, et les messieurs McDougall en firent l’acquisition quand ils devinrent propriétaires des forges Saint-Maurice. Le fourneau fut éteint en 1876, et tous les travaux cessèrent en 1878 ; il ne reste maintenant de ces forges que des ruines dont celle des bords du Saint-Maurice peut nous donner une idée.

Il nous fait plaisir de voir à notre gauche des maisons bâties agréablement sur le fleuve : sont-ils singuliers, aussi, ces riverains du Saint-Maurice qui vont placer leurs maisons dans les replis de terrain, comme si les points de vue ne comptaient pas dans la valeur d’une propriété ; comme si le spectacle des beautés de la nature n’était pas une des joies les plus pures de la vie, et l’une des choses qui contribuent le plus puissamment à élever l’âme vers son créateur.

Ici il me faut bien faire un aveu pénible, et qui pourrait compromettre ma renommée de voyageur, si je