Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 294 —

À quoi sont-ils bons dans le monde ? ils ne charment pas les regards par l’élégance de leur forme comme la fauvette, ni par la beauté de leur plumage comme le colibri ou le chardonneret ; ils ne chantent pas comme le pinson, la grive et le goglu ; ils sont trapus, ils sont d’un gris sale et ils chantent à peu près comme la lime sur les dents de la scie.

On dit qu’ils font la guerre aux insectes nuisibles, mais je voudrais bien entendre nommer ces insectes. Avez-vous déjà vu les moineaux sur les choux, pour manger les piérides ou leurs larves ? Non. Les avez-vous vus dans les champs de pommes de terre, cherchant à manger les chrysomèles ? Jamais. Les avez-vous vus chassant aux sauterelles ou aux criquets ? Pas du tout. Vous les voyez sur les linteaux ou les larmiers de fenêtres, sur les balustrades et sur les rampes d’escalier ; ils y mangent quelques insectes, mais les insectes vraiment nuisibles se trouvent-ils bien là ? Dans ces chasses d’amateurs, ils laissent partout de nombreux dépôts, au grand déplaisir des ménagères ; on dirait vraiment qu’ils n’ont pas d’autre but. Depuis qu’on a doté notre pays de cet intéressant chasseur, je plaindrais l’aveugle qui voudrait se conduire lui-même en tâtonnant, il n’aurait pas souvent les mains nettes, car les moineaux sont partout et salissent tout.

M. Dionne, dans ses « Oiseaux du Canada, »[1] veut cependant les excuser : « En dépit de ces petites violences, de ces petits rapts, ne nous fait-il pas plaisir de retrouver, lorsque la terre est ensevelie sous un linceul de neige et que toute trace de végétation a disparu, que nos bocages sont mornes et silencieux, ne nous fait-il pas plaisir vraiment de retrouver encore au milieu de nous, ces chers petits êtres qui, par leur pétulance et leur gaieté, semblent nous faire oublier la monotonie des sombres jours de l’hiver ? » Je réponds : non, pas le moins du monde. J’aime mieux la solitude que la présence de ces gamins ailés. J’aime mieux le grand silence de nos jours d’hiver que les cris perçants des moineaux. Pour interrompre ce silence,

  1. Excellent ouvrage, imprimé chez P. G. Delisle, à Québec.