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apporte avec elle son accordéon ; nous voilà donc avec un instrument de musique ! Vraiment nous regorgeons de bien.

La rivière de la Bête-Puante vient ici se jeter dans le Saint-Maurice : il faut croire qu’il y a sur ses rives un grand nombre de ces bêtes intéressantes qui jettent de l’eau d’odeur à leurs ennemis.

Mais quel amas énorme de gros cailloux intercepte en partie le cours de notre fleuve ! Il est donc vrai que les eaux ont emporté toutes ces pierres-là et les ont ainsi arrondies ! Ah ! dans certains temps, le Saint-Maurice est une terrible rivière !

Voici cependant une merveille plus étonnante encore : c’est la montagne de l’Oiseau. On dit qu’elle est moins haute que celle des Maurice, mais il y a certainement peu de différence, et elle est beaucoup plus à pic. Imaginez-vous un mur de 900 pieds de hauteur, avec de grands arbres sur son sommet, pour montrer qu’il est bâti depuis des siècles, vous aurez une idée de la montagne de l’Oiseau. Ce grand mur massif, dont les flots du fleuve baignent tristement le pied, a l’air d’un immense donjon, bâti par le roi du Saint-Maurice. Écoutez, n’entendrions-nous pas des plaintes sorties de cette masse sombre ? On l’appelle montagne de l’Oiseau, sans doute pour dire que les oiseaux seuls peuvent la gravir.

Il y a toute une légende à propos de cette montagne. M. Elzéar Gérin, dont les lettres canadiennes déplorent la mort prématurée, en parle ainsi dans le récit d’un voyage qu’il faisait sur le Saint-Maurice en 1851 :

« Décidément les premiers voyageurs avaient de l’imagination. La montagne qui s’élève devant nous et qui semble fermer le St-Maurice, ils l’ont appelée Mont-L’oiseau et prétendent qu’elle a la forme d’un oiseau. Alors c’est un oiseau qui n’existe plus, ou bien les ravages du feu sur la crête de la montagne l’ont bien défigurée. N’importe, c’est un des pics les plus élevés du St-Maurice. Il a du reste de la réputation dans les annales de la fantasmagorie.