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voyage, de trouver le long du Saint-Maurice, toute vivante et religieusement pratiquée, l’admirable hospitalité des anciens jours. Hélas ! nous avions pensé qu’elle ne se trouvait plus que dans les récits des auteurs canadiens.

Nous avançons vers le nord en chantant l’Ave maris stella, et une masse de voix répète ce chant ancien et toujours nouveau.

Nous voici rendus chez M. Honoré Thibault : nous arrêtons quelques instants en cet endroit, car le cheval qui nous a traînés depuis notre départ doit être laissé ici, et c’est le cheval de M. Thibault qui nous mènera jusqu’à La Tuque.

Monsieur Thibault avait construit sa maison à une assez bonne distance du Saint-Maurice et dans un endroit élevé ; eh bien ! le printemps dernier, le fleuve se mit à ronger sournoisement la côte, et avec une malice tout humaine, il fit une excavation affreuse et à la fin culbuta la maison. Nous considérons cette œuvre malicieuse et nous en sommes réellement étonnés. Il a donc fallu que le brave colon allât se bâtir un peu plus loin, mais cette fois je pense qu’il n’a rien à redouter de la fureur des flots.

Allons ! à bord tous ceux qui viennent à La Tuque, nous partons à l’instant.

L’endroit le plus difficile à franchir est maintenant le rapide Croche, qui est à deux lieues de la Rivière-aux-Rats. Le fleuve s’engouffre ici entre des rochers, et il suit une pente rapide, en décrivant une esse. Force nous est de prendre le cheval dans notre vaisseau, comment donc remonterons-nous ce courant ? Trois jeunes gens volent sur le rivage, ils grimpent sur les roches vives en tirant sur la cordelle, nos hommes, pendant ce temps, manient vigoureusement la perche, et en peu d’instants nous avons franchi le rapide. Un peu d’émotion, une variété piquante, point de fatigue du tout, voilà le résultat net pour les heureux passagers du chaland.

Ne laissons point passer sans la remarquer la crique du rapide Croche, car dix mille bûches de pin