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nôtres ; j’oserais dire que ce sont des lourdauds, s’ils n’étaient pas si maigres et si fluets. Les nôtres ont des manières ; on voit tout de suite qu’ils ont étudié les fables de Lafontaine : ils sonnent loyalement la charge, et s’élancent ensuite vaillamment à la curée. Ce sont aussi des maringouins d’expérience : quand ils voient votre grosse main s’approcher d’eux, ils savent bien comprendre que ce n’est pas pour les flatter, et ils vont prudemment attaquer un autre point de la capitale. Mais ceux de la Croche ont tous l’air de maringouins sourds-muets : ils se posent sur votre joue comme sur une écorce, sur votre nez comme sur un champignon, et se mettent aussitôt à se repaître en silence, comme de vrais écornifleurs. Vous les touchez du doigt, ils ne comprennent pas que c’est pour leur signifier de s’en aller. Vous en écrasez dix, vingt, trente, pas un des voisins ne prend la fuite, et dix, vingt, trente autres prennent la place de ceux qui viennent de trépasser. Évidemment, ce sont des maringouins peu intelligents, mais ils piquent comme des sourds qu’ils sont.

Nos amis de la Croche prétendent qu’il y en a beaucoup moins à présent qu’aux mois de juin et de juillet ; nous ne savons comment comprendre cela. Il faut toujours bien que ces insectes aient leur place dans l’air ; or il nous semble que pour en mettre davantage, il faudrait les emboîter les uns dans les autres. Ceci nous fait comprendre du moins combien ces braves colons ont eu à souffrir pendant la saison de l’été.

Les défrichements éloigneront cet insupportable fléau.

À l’endroit où la rivière Croche se jette dans le Saint-Maurice, il y a deux magnifiques fermes ; celle qui est du côté de La Tuque appartient à M. Alex. Baptist et a été louée à M. B. Hall. Celle qui est du côté nord appartient à M. Jean-Baptiste Boucher, ci-devant chef des Sauvages de Montachingue. Nous voudrions que nos cultivateurs des rives du Saint-Laurent vissent quelques-unes des terres de la Rivière-Croche, surtout celle de M. J. B. Boucher, cela leur ôterait de la tête l’idée que les belles terres ne se trou-