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livra pendant quelque temps aux occupations ordinaires aux jeunes gens de sa condition. Mais bientôt, fatigué du genre de vie que menaient les chevaliers, il résolut de faire le voyage de Rome. Deux fois il se rendit en pèlerinage au tombeau des saints Apôtres. Cette lointaine pérégrination était alors pleine de dangers ; mais le péril n’effrayait pas le courage d’un jeune seigneur accoutumé aux exercices chevaleresques. Léothéric pratiquait en même temps d’austères mortifications, loin de chercher dans ces voyages aventureux une occasion de dissipation, à l’exemple d’une jeunesse inquiète, de tout temps impatiente du frein. Charmé du résultat de ces voyages de dévotion, il résolut d’aller à Jérusalem s’agenouiller sur le tombeau du Christ. C’était au moment où l’Europe commençait à tressaillir d’indignation au récit des misères qui accablaient les chrétiens d’Orient. Pierre l’Ermite n’avait pas fait entendre encore ses prédications ardentes, premier signal des croisades. Léothéric, cependant, ne put exécuter son dessein. À peine monté sur le navire qui devait le conduire en Syrie, il fut pris d’une maladie dangereuse et forcé de rester à terre. Se trouvant ainsi dans l’impossibilité de visiter la Terre-Sainte, il songea à revoir sa patrie. Afin de gagner par l’humilité ce qu’il croyait avoir perdu dans l’abandon de son projet de pèlerinage, il effectua son retour en vivant d’aumônes. Chaque jour, abaissant la fierté de son sang et de sa noblesse, il mendiait son pain, et partageait ensuite avec de plus pauvres que lui le morceau de pain dû à la charité. Il arriva ainsi jusqu’à Cormery. C’était précisément un