L’avocat alors crut de devoir la quitter la cedant à un riche juif,
qui après lui avoir donné des diamans la quitta aussi. À Vienne, ses
charmes lui procurerent l’applaudissement qu’elle ne pouvoit pas esperer
de son talent trop au dessous du mediocre. La foule d’adorateurs
qui alloient sacrifier à l’idole, et qui se renouvelloit de semaine
en semaine, fit determiner l’auguste Marie Therese à detruire ce
nouveau culte. Elle fit ordonner à la nouvelle divinité de sortir
d’abord de la capitale de l’Autriche. Ce fut le comte Bonifazio Spada
qui la reconduisit à Venise, d’où elle partit pour aller chanter
à Parme. Ce fut là qu’elle fit devenir amoureux le comte Jacques
Sanvitali ; mais sans consequence, puisque la marquise qui n’entendoit
pas raillerie lui donna un soufflet dans sa propre loge
à un certain propos dans le quel la virtueuse lui parut insolente.
Cet affront degouta Juliette du theatre au point qu’elle y renonça
pour toujours. Elle retourna à sa patrie. Riche de la réputation
d’avoir été sfratata de Vienne elle ne pouvoit pas manquer
de faire fortune. C’etoit devenu un titre. Quand on vouloit
dire du mal d’une chanteuse, ou danseuse, on disoit qu’elle
avoit été à Vienne où on l’avoit meprisée au point que l’impératrice
n’avoit pas cru qu’elle valut la peine d’être chassée.
Monsieur Steffano Querini des Papozzes devint d’abord son amant
en titre, et trois mois après guerluchon d’abord que le marquis
de Sanvitali se declara son amant dans le printems de l’année 1739 1740.
Il débuta par lui donner m100 ducats courans. Pour que empecher le monde d’attribuer
à foiblesse le don d’une somme si exorbitante, il dit qu’elle
étoit à peine suffisante pour venger la virtuosa d’un soufflet que
sa femme lui avoit donné. Juliette cependant n’a jamais voulu
l’avouer, et elle eut raison ; rendant hommage à l’héroïsme du
marquis elle se seroit trouvée déshonorée. Le soufflet auroit fletrie
des charmes qu’elle etoit glorieuse de voir le monde convaincu
de leur valeur intrinsèque.
Quelque mois après cet aventure Dans l’année suivante 17421, M. Manzoni me presenta à