Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 1.pdf/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160 158
[108v]


ou en gondole. Madame Manzoni m’en fit compliment. La justice, me disoit elle avoit dû m’absoudre ; mais l’opinion generale savoit à quoi se tenir, et Razzetta ne pouvoit pas m’avoir pardonné.

Trois ou quatre jours après, M. Grimani m’annonça l’arrivée de l’eveque. Il logeoit à son couvent des Minimes à S.t François de Paule. Il me conduisit lui même chez ce prelat comme un bijou qu’il cherissoit, et qu’il n’y avoit que lui qui pût le monter.

J’ai vu un beau moine avec la croix d’eveque sur sa poitrine, qui m’auroit paru le pere Mancia, s’il n’avoit eu l’air plus robuste, et moins reservé. Il avoit l’age de trente quatre ans, et il étoit eveque par la grace de Dieu, du saint siege, et de ma mere. Après m’avoir donné sa benediction, que j’ai reçu à genoux, et la main à baiser, il me serra contre sa poitrine m’appelant en latin son cher fils, et ne me parlant jamais dans la suite que dans cette langue. J’ai presque pensé qu’il avoit honte à parler italien, étant calabrois ; mais il me desabusa parlant à M. Grimani. Il me dit que ne pouvant me conduire avec lui que me prenant à Rome, le même M. Grimani auroit soin de m’y faire aller, et que dans la ville d’Ancone un moine minime son ami, qui s’appelloit Lazari me donneroit son adresse, et le moyen de faire le voyage. Depuis Rome nous ne nous separerions plus, et nous irions à Martorano par Naples. Il me pria d’aller le voir de tres bonne heure le lendemain, où après qu’il auroit dit sa messe nous dejeunerions ensemble. Il me dit qu’il partiroit le surlendemain.