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M. Grimani me reconduisit chez lui me tenant un discours de morale que ne pouvoit que me faire rire. Il m’avertit entr’autres choses que je ne devois pas m’appliquer me donner beaucoup à l’étude, car dans l’air gras de la Calabre le trop d’application pourroit me faire devenir poumonique.

Le lendemain je fus chez l’eveque au point du jour. Après la messe, et le chocolat il me cathechisa pour trois heures de suite. Je me suis clairement aperçu que je ne lui ai pas plu ; mais de mon coté je me suis trouvé tres content de lui : il me parut un tres galant homme : et d’ailleurs étant celui qui devoit m’acheminer au grand trotoir de l’eglise il ne pouvoit que me plaire, car dans ce tems là, malgré que tres prevenu en ma faveur je n’avois en moi la moindre confiance.

Après le depart de ce bon eveque M. Grimani me donna une lettre qu’il lui avoit laissé, et que je devois remettre au pere Lazzari au couvent des Minimes dans la ville d’Ancone. C’étoit ce moine, comme je crois l’avoir dit, qui devoit se charger de m’envoyer à Rome. Il me dit qu’il me feroit aller à Ancone avec l’ambassadeur de Venise qui étoit sur son depart : je devois donc me tenir pret à partir. J’ai trouvé tout cela excellent. Il me tardoit de me voir hors de ses mains.

D’abord que j’ai su le moment dans le quel la cour de M. le Ch:r da Lezze ambassadeur de la republique devoit s’embarquer, j’ai pris congé de toutes mes connoissances. J’ai laissé mon frere François à l’école de M. Joli fameux peintre en architecture théatrale.

La péote dans la quelle je devois m’embarquer pour aller à Chiozza ne devant se detacher du rivage qu’à la pointe