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ces nouveaux arrivés. Surpris que tout ce que je voyois ne fut pas suffisant à couvrir la dete je demande à combien elle montoit, et je vois une somme exorbitante signée par Medini même, qui se tenoit tranquille laissant que je m’informasse de tout. La somme montoit à 240 ecus romains ; mais je n’en pas plus etonné, lorsqu’il me dit que ce voiturier le servoit depuis six semaines l’ayant conduit de Rome à Livourne, puis à Pise, puis par toute la Toscane l’entretenant par tout. Je dis à Medini que le voiturier ne pouvoit pas me prendre caution d’une aussi grosse somme ; mais que quand même il seroit assez fou pour me prendre, je ne me determinerois jamais à l’être. Medini alors me dit d’aller avec lui dans l’autre chambre m’assurant qu’il me persuaderoit. Deux archers vouloient y entrer me disant pour raison que le debiteur pouvoit s’enfuire par les fenêtres : après les avoir assurés que je ne le laisserois pas sortir ils nous laisserent aller seuls, et dans ce moment le voiturier arriva, qui venant me baiser la main vint me dire me dit que si je cautionnais le comte il le laisseroit en liberté, et il me donneroit trois mois de tems à payer. Ce voiturier etoit le même qui m’avoit conduit de Sienne avec l’angloise que le comedien françois avoit seduite.

Medini grand parleur, menteur, entreprenant, ne desesperant jamais de rien, crut de me persuader me montrant des lettres de cachetées qui l’annonçoient en termes pompeux aux premieres nobles maisons de Florence : je les ai lues ; mais je n’ai trouvé sur aucune l’ordre de lui donner de l’argent : il me dit que dans ces maisons on jouoit, et que taillant il étoit sûr de gagner des sommes immenses.