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de la chambre pour m’en aller il osa me prendre au collet.

Le desespoir reduit les hommes à des excès pareils. Medini aveugle, et violent me prit au collet sans avoir un pistolet à la main, sans se souvenir que j’étois peut etre plus fort que lui, que je lui avois tiré du sang pour la seconde fois à Naples et que les sbirres, l’hote, les domestiques étoient dans la chambre voisine ; mais je n’étoit pas assez lache pour appeller, je lui ai mis mes deux mains au cou pour l’etrangler etant plus grand que lui de six pouces, ce qui fesoit que le tenant eloigné de moi il ne pouvoit pas m’en faire autant. Il me lacha à la poitrine dans l’instant, et pour lors je l’ai pris au colet moi même lui demandant si il étoit devenu fou, j’ai ouvert la porte, et les archers qui etoient quatre entrerent. J’ai dit au voiturier que je ne repondois de rien, et dans le moment que je voulois sortir pour m’en aller tout à fait Medini sauta à la porte me disant que je ne devois pas l’abandonner. Voulant sortir par force, les sbirres voulurent alors s’emparer de lui, et le combat m’a dans ce moment là interessé. Medini sans armes, et en robe de chambre commença à donner des soufflets, de coups de poing, et de pieds aux quatre laches dont cependant chacun avoit une epée. Ce fut moi pour le coup qui me tenant à la porte j’ai empeché l’Irlandois de sortir pour faire monter du monde. Medini ensanglanté, je n car il saignoit du nez, avec sa robe de chambre, et sa chemise dechirée ne cessa de battre les quatre satellites que lorsqu’ils s’eloignerent de lui. Dans ce moment là j’ai plaint en moi même le malheureux, et je l’ai estimé. Dans l’intervalle du silence j’ai demandé aux deux domestiques à livrée, qui étoient là, pourquoi ils n’avoient pas bougé pour defendre leur maitre. Un d’eux me repondit qu’il leur devoit six mois de gages, et l’autre infame me dit qu’il vouloit lui même le faire mettre en prison. Ce tableau m’a emu. Medini travailloit avec