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moquez de moi. Faites ce que je vous dirai, et je vous ferai partir à toute votre comodité. Elle ne saura que vous etes parti que lorsque ne vous voyant pas à souper, elle courera chez vous, et elle ne vous trouvera pas — Je ferai tout ce que vous me direz, et vous me rendrez un service que je n’oublierai jamais. La douleur la fera devenir folle — Oh ! je commence par vous defendre de penser à sa douleur. La seule chose que vous devez faire est celle-ci ; tout le reste est à moi. Voulez vous partir demain. Avez vous des dettes ? Voulez vous de l’argent ? — J’ai assez d’argent, et je n’ai pas des dêtes ; mais l’idée de partir demain me fait rire. J’ai besoin au moins de trois jours. Je dois recevoir après demain mes lettres, et je dois écrire chez moi où je me trouverai. — J’aurai soin de retirer de la poste vos lettres, et de vous les envoyer où je vous enverrai, et que vous saurez au moment de vôtre depart. Fiez vous à moi. Je vous enverrai où vous serez tres bien. La seule mesure que vous devez prendre est de laisser vôtre mâle à votre hote, lui ordonnant de ne la remettre qu’entre mes mains — Cela sera fait. Vous voulez donc que je parte sans ma mâle, et vous ne voulez me dire aujourd’hui où j’irai : c’est drole. Mais je ferai tout cela — Ne manquez pas de venir diner avec moi tous ces trois jours, et sur tout ne dites rien à personne que vous partez.

Il étoit devenu radieux. Je l’ai embrassé le remerciant de la confidence qu’il m’avoit fait, et de la confiance qu’il avoit en moi ; il me parut dans l’instant devenu un autre.

Glorieux d’avoir fait ce bon œuvre, et riant de la colere avec la quelle la pauvre Brigida se dechaineroit contre moi après la fuite de son amant j’ai écrit à M. Dandolo que dans cinq ou six jours paroitroit devant ses yeux un abbé Novarois qui lui remettroit une lettre de moi ; je le priois de lui trouver une chambre, et une pension suffisante ; mais au meilleur marché possible car ce noblé plein de mœurs n’étoit pas riche. J’ai preparée l’autre que l’abbé lui consigneroit en personne. L’abbé, le lendemain, me dit que Brigida etoit tres eloignée de deviner son intention puisqu’elle l’avoit trouvé tres amoureux. Elle gardoit tout son linge ; mais il esperoit de tirer de ses d’en retirer