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qu’il auroit pu arriver qu’on la voyant que voyant sa gorge toute entiere je ne l’aurois pas trouvée si belle. Elle ne me repond rien, et j’acheve mon chocolat. Je pense aux nudités lasives en miniatures, et en estampes que j’avois dans ma cassette, et je prie Lia de me la donner lui disant que je voulois lui faire voir des portraits des plus belles gorges de l’univers. Elle me dit que cela ne l’interesseroit pas ; mais après m’avoir porté ma cassette, elle ne elle ne bouge pas.

Je prens le portrait d’une couchée sur son dos toute nue qui avec ??? se manualisoit, mais je la couvre d’un mouchoir jusqu’au nombril, et je la lui montre la tenant dans ma main. Elle me dit que c’étoit une gorge comme toutes les autres, et que je pouvois decouvrir le reste. Je lui laisse alors la miniature lui disant que cela me degoutoit. Lia se met à rire, et elle dit que c’etoit bien peint ; mais que ce n’étoit rien de nouveau pour elle, car c’etoit tout ce que les filles fesoient quoiqu’en cachette avant de se marier ; — Vous faites donc cela aussi ? — Toutes les fois que l’envie m’en vient. Puis je m’endors — Ma chere Lia, votre sincerité me pousse à bout, et vous avez trop d’esprit pour l’ignorer. Soyez donc bonne, et complaisante, ou cessez de venir me voir — Vous etes donc foible. À l’avenir donc nous ne nous verrons qu’à diner. Mais faites moi voir quelqu’autre miniature — J’ai des estampes, qui ne vous plairont pas — Voyons.

Je lui donne alors le recueil des figures de l’Aretin, et j’admire l’air tranquille, mais tres attentif avec le quel elle s’arretoit à les examiner passant d’une à l’autre, et retournant sur celle qu’elle avoit deja examinée. Trouvez vous cela interessant ; ? lui dis-je — Beaucoup ; car et c’est naturel ; mais une honete fille ne doit pas s’arreter à bien regarder tout ceci, car vous pensez bien que cela doit causer une grande emotion — Je le crois, ma chere Lia, et je suis dans votre même cas. Voyez.

Elle sourit alors, et elle se leva vite allant examiner le livre près de la fenetre, et me tournant le dos, et laissant que je l’appellasse tant que je voulois. Après m’etre calmé comme un ecolier, je me suis habillé, et le peruquier étant venu Lia s’en alla me disant