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J’ai fait ce que je devois. Je me suis habillé à la hate, et je suis allé à la bourse, où j’ai trouvé qu’une peote partoit le même jour pour Fiume. Fiume est de l’autre coté du golphe vis à vis d’Ancone. De Fiume à Trieste il n’y a que quarante milles par terre. Je decide d’aller à Fiume, je vais au port, je vois la peote, je parle au maitre, qui me dit que le vent etoit en poupe, et qu’il étoit sûr que le lendemain matin nous serions au moins dans le canal. Je prens la bonne place, j’y fais mettre un strapontin, puis je vais prendre congé du consul, qui me souhaite un bon voyage. De là je retourne chez moi, où je paye à Mardoquée tout ce que je lui devois, et je vais dans ma chambre pour faire mes males. J’avois du tems de reste.

Lia vient me dire qu’elle étoit dans l’impossibilité absolue de me donner mon linge, et mes bas dans la journée ; mais qu’elle pourroit me donner le tout le lendemain. Je lui repons d’un air serein, et tranquille que son pere n’avoit qu’à porter ce qui m’appartenoit au consul de Venise qui auroit soin de m’envoyer tout à Trieste. Elle ne replique pas le mot.

Un moment avant que je me mette à table le maitre de la peote vint lui même avec un matelot pour prendre mon equipage, je lui donne la male qui étoit faite, et je lui dis que le reste ira à bord avec moi même à l’heure qu’il vouloit partir. Il me dit qu’il partira une heure avant la brune, et je lui repons qu’il me trouvera tout pret.

Quand Mardoquée sut que j’allois à Fiume, il me pria de me charger d’une petite caisse qu’il adressoit à un de ses amis avec une lettre qu’il alloit écrire ; et je lui ai re-