qui interrompront la paix de la maison — Il ne parlera pas à votre
mari, et j’en suis sûr. Laissez moi le soin de tout cela. Je parlerai
moi même demain matin à l’abbé, qui sortira de votre maison de
plein gré sans que vous ayez besoin de le lui dire. Par là ma bonne
dame vous n’aurez pas des plus grandes inquietudes. Craignez à l’avenir
pour votre fille, lorsque vous saurez qu’elle est seule dans
la une chambre avec un homme, et qu’on n’y parle, et on n’y rit
pas point. Pour lors vous serez sûre qu’on y fait quelque chose de serieux.
Après ce discours elle partit assez contente, et elle allat se mettre au lit. Marguerite admirant d’avance la belle operation que j’avois promis de faire le lendemain devint si gaye que je n’ai pu m’empecher de lui rendre la justice qu’elle meritoit : elle passa une heure dans mon lit sans rire, puis elle partit glorieuse de sa victoire.
Le lendemain matin je suis allé de bonne heure dans la chambre de l’abbé, où après lui avoir reproché son indiscretion qu’il ne put pas nier, je lui ai dit en clairs termes qu’il devoit se chercher d’abord un autre logement, ou souffrir que je me declarasse son ennemi en commençant par exiger vingt ecus qu’il me devoit sans avoir la moindre pitié de l’impuissance ou il étoit de me les rendre. Après avoir bien biaisé, il me dit qu’il ne pouvoit sortir de la maison sans payer quelque somme qu’il devoit au maitre, et sans avoir de quoi payer un mois d’avance d’une autre chambre qu’il iroit se chercher d’abord ; et pour vaincre toutes ces difficultés je lui ai donné encore une autre vingtaine d’ecus. Ainsi toute l’affaire termina en bien ; je me mis trouvé mieux logé, et en pleine possession de Marguerite, qui me mit en peu de tems dans celle de la gentille Buonaccorsi, dont le merite étoit de beaucoup superieur au sien.
Ces deux filles me firent connoitre le jeune heros, qui avoit