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animoit pour me rendre utile à ma patrie, et digne d’obtenir la grace de pouvoir y retourner, lorsque Leurs Exc: jugeroient que je serois parvenu à la meriter.

Le gouverneur ne publia le nouveau reglement de la Diligence que huit jours après, de sorte que le gouvernement d’Udine sut par le canal du tribunal que la chose etoit faite avant que la ville de Trieste en fut informée. On crut que le tribunal, qui fait tout en secret en étoit venu à bout à force d’argent. Le secretaire ne me repondit pas, mais il ecrivit au consul une lettre qu’il me montra dans la quelle il lui ordonnoit de me donner une gratification de cent ducats d’argent, ce qui est egal à 400 # monnoye de France. Il lui disoit que c’étoit pour m’encourager, et que je pourrois tout esperer de la bonté du clemence du tribunal réussissant dans la grande affaire des armeniens, dont il pouvoit m’informer.

Il me la comuniqua dans un quart d’heure, et j’ai d’abord vu que je n’y reûssirois pas ; mais il ne falloit desesperer de rien.

Quatre moines armeniens avoient deserté du couvent de S. Lazare de Venise las de souffrir la tirannie de leur abbé. Ils avoient des parens fort riches à Costantinople, et se moquant de l’excomunication de leur abbé qui les declara apostats, ils étoient allés à Vienne demander asile, et sureté promettant de devenir utiles à l’état etablissant à leur frais une imprimerie en langue armeniène qui fourniroit des livres à tous les couvens d’Armeniens etablis dans les vastes etats sujets à l’empire Turc. Ils s’engagerent d’employer la somme d’un million de florins dans l’endroit où S. M. I. R. A. leur permettroit de s’etablir tant pour