Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 10.pdf/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181. 247
[112r]


etablir fonder en grand cette imprimerie, comme pour acheter où faire batir une maison où ils demanderoient de vivre en societé quoiqu’acephales. Le gouvernement autrichien non seulement n’hesita pas à leur accorder ce qu’ils demandoient ; mais il leur accorda des privileges. Il s’agissoit de priver la place de Venise de cette branche de commerce pour se l’approprier. Le cabinet de Vienne pensa de les envoyer à Trieste fortement recomandés au gouverneur, et ils y étoient deja depuis six mois. Les inquisiteurs d’état desiroient avec raison de les faire retourner à Venise, et n’ayant pas pu réussir par la voye directe qui étoit celle de faire agir l’abbé qui leur avoit offert des grandes satisfactions, ils employoitent tous les moyens secrets pour leur faire naitre des obstacles à Trieste faits pour les en degouter. Le consul me dit sincerement qu’il s’étoit dispensé d’entreprendre cette affaire parcequ’il ne la conçut pas l’avoit pas conçue possible, et il me predit que si je l’entreprenois je perdrois mon tems.

Il étoit certain que dans un fait de cette espece je ne pouvois pas compter sur l’amitié du gouverneur, et que je ne devois pas même lui en parler, ni lui donner motif de croire que je tacherois de detourner les moines du projet qu’ils avoient fait, car outre son devoir, le zele qui l’animoit particulierement à faveur du commerce de Trieste le forçoit à preter la main à l’heureuse resussite du projet de ces moines. Malgrè cela j’ai commencé par faire connoissance avec eux sous le pretexte d’aller voir leurs caracteres armeniens qu’ils avoient deja fait fondre, et des marchandises en pierres fines, et mineraux qui leur etoient arrivées de Constantinople. En huit à ou dix jours je leur suis devenu familier. Je leur ai dit un jour que quand ce ne seroit