d’œil. On y voyoit la cruauté, la trahison, l’orgueil, et la brutor le
paillardise. J’y ai aussi vu la haïne, er la jalousie. Cet affreux melange
me força à croire que je me trompois. Une invitation gracieuse
ne me paroissoit pas combinable avec les horribles caracteres
que sa figure me presentoit aux yeux. M’etant informé de
lui avant que de lui promettre d’y aller on ne m’a dit de lui que
du bien. On m’a dit qu’il aimoit le beau sexe, et qu’il devenoit
feroce quand il s’agissoit de se venger de quelqu’un qui lui auroit
fait un affront ; mais n’ayant pas trouvé ces deux qualités indignes
d’un gentilhomme je lui ai promis d’y aller. Il me dit
qu’il m’attendroit à Gorice le premier de Septembre, et que
nous partirions le lendemain pour Spessa : c’étoit le nom
de sa terre. J’ai donc pris congé de tout le monde pour un
couple de mois, et du comte de Vagensberg qui étoit grievement
malade de la maladie qu’on guerit facilement par le mercure,
quand le medecin sait l’administrer ; mais qu’elle devient
mortelle quand le patient tombe entre mauvaises mains. Le
pauvre comte eut ce malheur. Il est mort un mois après mon
depart.
Je parts le matin de Trieste, je dine à Proseco, et j’arrive à Gorice de bonne heure à la maison du comte Louis Torriano : il n’y étoit pas ; mais on me laisse decharger mon petit equipage quand je dis que le comte m’avoit invité. Je sors, je vais chez le comte Torres, j’y reste jusqu’a l’heure de souper et je vais chez le comte. après je me rens chez mon nouvel hote. On me dit qu’il étoit allé à la campagne, et qu’il seroit de retour le lendemain. Avant partir il avoit fait porter mon equipage On me dit qu’on avoit transporté ma mâle à l’auberge de la poste, où il avoit ordonné qu’on me donnent on avoit ordonné mon à souper, et une chambre. Cela me surprend ; mais j’y vais, je me vois mal logé, et mal nourri ; mais n’importe. Je juge qu’il n’avoit pas pu me loger chez lui, et que ne le pouvant pas il n’avoit pas pu faire autrement. Je ne le trouve fautif qu’en ce qu’il ne me l’avoit pas dit. Pouvois-je supposer qu’un seigneur qui a maison n’a pas chez lui une chambre pour un ami ?