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qu’il sache que les trois pauls par jours lui venoient de moi. J’ai donné remis à l’abbé Ceruti toutes les vieilles chemises que j’avois pour qu’il les lui donne, et un vieux habit noir, et je n’ai pas voulu le voir. L’endroit où il est allé etoit pPalestrine : L’an cienne Preneste où il y avoit le fameux temple de la Fortune. Tant que je suis resté à Rome, les neuf ecus par mois ne lui ont jamais manqué ; mais après mon depart il est y est retourné à Rome, d’où il est allé à un autre couvent où il mourut de mort subite il y a treize ou quatorze ans. Il s’est peut être empoisonné.

Medini etoit à Rome depuis le tems que j’y étois ; mais nous ne nous voyions jamais. Il logeoit dans la rue des Urselines chez un chavauleger du pape, ou vivant du jeu il tachoit de duper tous les étrangers qui arrivoient ; et avec les quels il ne lui etoit pas difficile de lier d’abord connoissance.

Ayant fait quelque fortune il avoit fait venir de Mantoue sa maitresse avec sa mere, et une autre fille qu’elle avoit de douze à treize ans. Croyant de pouvoir se procurer des avantages beaucoup plus grands se logeant en chambre garnie il avoit pris un bel appartement à la même place d’Espagne où je demeurois à cinq ou six maisons loin de moi. J’ignorois tout cela.

Etant allé diner un dimanche chez l’ambassadeur de Venise, S. E. me dit que je dinerois avec le comte de Manuzzi que venoit de Paris, et qui s’etoit rejoui en sachant apprenant que j’étois à Rome. Comme J’imagine que vous le connoissez à fond : voudriez vous bien me dire qui est ce comte, que je dois presenter apres demain au saint pere ? — Je l’ai connu à Madrid avec l’ambassadeur Mocenigo : il se presente