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trop d’esprit lui dis-je pour vous imaginer qu’il y a du mal à cela.

Emilie etonnée à cette proposition se mit à penser. Armelline la regardoit attentivement curieuse de la reponse qu’elle me donneroit — Pourquoi, me dit elle, ne proposez vous pas cela à votre Armelline ? — Donne la lui la premiere, lui dit elle Armelline, et si tu en as le courage, je l’aurai aussi — Quel courage faut il ? C’est une folie d’enfans ; il n’y a pas de mal à cela.

Après avoir reçu cette heureuse reponse j’ai cru de pouvoir chanter victoire. Je lui ai mis la coquille à la bouche, je lui ai dit de humer l’eau en gardant l’huitre entre ses levres. Elle executa la leçon fidelement après avoir bien ri, et j’ai recueilli l’huitre en colant mes levres sur les siennes avec la plus grande decence. Armelline l’aplaudit en lui disant qu’elle ne l’auroit pas crue capable de faire cela, et elle l’imita parfaitement. Elle fut enchantée de la delicatesse avec la quelle j’ai pris l’huitre de dessus ses levres. Elle m’etonna en me disant que c’étoit pas crue capable de faire cela, et elle l’imita parfaitement. Elle fut enchantée de la delicatesse avec la quelle j’ai pris l’huitre de dessus ses levres. Elle m’etonna en me disant que c’étoit à moi aussi a leur donner faire la restitution du cadeau ; et Dieu sait le plaisir que j’ai eu à m’aquiter de ce devoir.

Avec ce beau jeu nous mangeames toutes les huitres en vidant toujours de verres de punch. Nous etions assis en ligne, moi au milieu d’elles, le dos tourné contre le feu, la tête nous tournoit, jamais yvresse ne fut si plus gaye, ni plus raisonnée, ni plus complete. Le punch cependant n’etoit pas encore fini. Nous avions chaud. J’ai dû oter mon habit n’en pouvant plus, et elles dûrent delacer ses leurs robes qui par devant étoient doublées de fourures. Je leur ai dit qu’il y avoit un cabinet tout près de la porte de notre chambre, où elles pouvoient aller, et elles se leverent vite en se prenant par la main ravies que j’avois deviné le besoin qu’elles