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Elle donnoit tous les soirs un petit souper à sa coterie qui etoit composée de sept ou huit personnes, au quel je ne fus admis que huit ou dix jours après, lorsque tout son monde m’ayant connu chacun parut cherir ma societé. Son mari, qui n’aimoit pas la compagnie soupoit tout seul sans sa chambre. Le chevalier qui servoit la duchesse etoit le prince de Santa Croce, dont la femme etoit servie par le Cardinal de Bernis. Cette princesse fille du marquis Elle étoit fort jeune, tres jolie Falconieri etoit fort jeune, jolie, fort vive, et faite pour plaire à tous ceux qui l’approchoient ; mais ambitieuse de posseder le Cardinal, elle ne laissoit esperer à personne l’honneur de pouvoir parvenir à occuper sa place. Elle etoit fille unique du marquis, ou comte Falconieri. Le prince son mari étoit bel homme, noble dans ses manieres, et doué d’un esprit tres suffisant ; mais il ne s’en servoit que pour faire des speculations sur le commerce : il croyoit, et il avoit raison, qu’on ne prejudicioit aucunement nullement à la noble naissance en se procurant toutes les utilités permises qui en dependoient pour ???monter du commerce general. N’aimant pas la dépense, il servoit la duchesse de Fiano, parcequ’il ne depensoit rien, et il ne se voyoit pas dans le risque de devenir amoureux. Sans être devot, il étoit jesuit outré, et positivement jesuite de robe courte, comme le president d’Eguille frere du marquis d’Argens que j’avois connu à Aix. D’abord que deux ou trois semaines après mon arrivée à Rome il m’a entendu me plaindre de la gêne où un homme de lettres se trouvoit, lorsqu’il alloit pour travailler dans les biblioteques de Rome, comme par exemple à la Minerve, et encore plus à la Vaticane, il s’offrit à me presenter au superieur de la maison professe au Jesus, et à S.t Ignace. Un des bibliothecaires me presenta pour la premiere fois à tous les subalternes, et depuis ce jour là non seulement je me suis vu maitre d’aller à la bibliotheque tous les jours, et à toutes les heures, mais de porter chez moi tous les livres