Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 10.pdf/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73. 73
[43r]


ment laides, qui inspirent le degout, la repugnance au plaisir de l’amour, et souvent la haine, il s’enfuyeroit avec un espece d’horreur pour la brutalité à la quelle il étoit dans le moment de se livrer. C’est tout le contraire qui arrive lorsqu’une physionomie qui lui paroit belle, a rendu un homme amoureux. S’il parvient à en jouir nulle deformité, ou laideur de son corps le rebute : il parvient même à trouver beau ce qui est laid s’il s’avise d’examiner ; mais il ne s’en soucie pas.

L’empire de la physionomie étant donc etabli en nature dans l’animal homme, le genre humain possesseur immediat du calcul moral dans tout ce qui est necessaire à ses besoins decida dans tous qu’il les pais civilisés qu’il falloit couvrir d’habits toute la personne, excepté la figure, et non seulement les ho femmes ; mais les hommes aussi, qui cependant dans la suite des siecles dans plusieurs provinces de l’Europe privent l’usage du s’habiller de façon qu’il est fort aisé aux femmes de se les figurer tels qu’ils seroient doivent être tous nus. Le gain que les femmes firent dans l’etablissement de cette loi est incontestable, malgrè que les belles physionomies soyent plus rares que les beaux corps, car l’art parvient facilement à donner des appas à un visage qui n’en a pas, tandis qu’il n’y a pas de fard pour corriger la laideur d’une poitrine, d’un ventre, et de tout le reste qui compose le corps humain. Je conviens cependant que les phenomerides de Sparte avoient raison, comme toutes les femmes qui rebutent avec leur figure ayant un tres beau corps, car à cause du titre, malgrè la beauté de la piece elles se trouvent frustées de spectateurs ; mais c’est egal ; l’homme a besoin d’aimer, et pour qu’il devienne amoureux il a besoin d’un titre qui excite sa curiosité. La femme le porte sur la superficie de sa tete. Heureuses, et tres heureuses les Armellina dont la piece et