Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 10.pdf/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79. 79
[46r]


besoin. Je suis allé après cela chercher un joueur de violon pour le charger de me procurer trois billets dans un bal où je pourrois esperer de n’être connu de personne. Je l’ai averti que je serois seul avec deux autres personnes filles demoiselles qui ne danseroient pas. ; car elles ne savoient pas danser

De retour chez moi ayant intention de diner tout seul, un billet de la marquise d’Aout qui me reprochoit de n’aller jamais diner avec elle me detourna : j’y fus, et j’y ai trouvé le florentin. Ce fut dans le courant de ce diner que j’ai connu une bonne partie de ses merites : je l’ai trouvé tel que Donna Leonilda me l’avoit annoncé. La marquise au d me demanda vers la fin du diner pourquoi je n’étois pas resté à l’opera jusqu’à la fin — Parceque les demoiselles s’ennuyoient — Elles ne sont pas de la maison de l’ambassadeur de Venise, comme vous m’avez dit : j’en suis certaine. — Vous avez raison, Madame ; excusez mon petit mensonge. — Ce fut une defaite pour ne pas me dire qui elles sont ; mais on le sait — Tant mieux pour les curieux — Celle qui m’a parlé merite d’exciter la curiosité de quique ce soit ; mais à votre place je lui ferois mettre un peu de poudre sur ses cheveux — Je n’ai pas cette autorité ; mais Dieu me preserve de la gêner.

Le florentin me plut n’en disant rien. Je l’ai fait beaucoup parler de l’Angleterre, et du commerce qu’il fesoit. Il me dit qu’il alloit à Florence pour se mettre en possession de son heritage, et en même tems se cher­ se chercher une epouse pour retourner à Londres marié. Je lui ai dit en le quitant que je n’aurois l’honneur de le voir chez lui que le surlendemain à cause d’une pressante affaire qui m’etoit survenue. Il sut alors m’engager à n’y aller qu’à midi pour lui faire le plaisir de diner avec lui.

Plein de mon bonheur, je suis allé prendre mes filles, qui jouissant