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n’aurai pas demain le plaisir d’aller à l’opera avec vous — Eh bien, lui dit Armellina, embrasse aussi mon ami — Me voila.

Cette generosité d’Armellina me deplut ; mais je n’ai pas laissé pour cela de donner à Scolastique les baisers qu’elle meritoit, et que je lui aurois donné quand même elle auroit été laide, car tant de gentillesse n’etoit pas faite pour être avilie. Je lui ai même donné des baisers d’amour avec intention de punir Armellina ; mais j’étois dans l’abus. Je l’ai vue enchantée : elle embrassa tendrement son amie, comme pour la remercier de sa complaisance, et pour lors je suis entré avec elles pour voir de quoi il s’agissoit. Je les ai fait asseoir, et j’ai vu qu’il falloit absolument que j’allasseenvoyasse leur chercher des souliers ; mais j’ai ???gé le ce fut au valet de l’auberge que j’ai donné cette commission avec avec ordre de revenir avec un cordonnier qui porteroit tous les souliers qu’il auroit dans sa boutique. Mais eEn attendant le cordonnier, l’amour ne me laissa pas le maitre de me borner avec Armellina à des simples baisers. Elle n’osoit ni me refuser, ni se refuser ; mais comme pour se disculper elle m’obligeoit à faire à Scolastique les mêmes caresses que je lui avois faites, et Scolastique pour la mettre en état de tranquillité alloit elle même au devant de tout ce que j’aurois pu exiger d’elle si j’en aurois été amoureux. Cette fille étoit charmante, elle ne cedoit à Armellina que du coté de la douceur, et d’une delicatesse dans les traits de la physionomie qui étoit toute particuliere à l’autre. Le jeu dans le fond ne me deplaisoit pas ; mais la reflexion me remplissoit d’amertume. Ce que je voyois me rendoit certain qu’Armellina ne m’aimoit pas, et que si l’autre ne m’opposoit aucune resistance, ce n’étoit que pour mettre son amie à son aise, et pour le convaincre qu’elle pouvoit se fier à elle entierement. Je me suis reconnu avant que le cordonnier arrive dans la necessité absolue de tacher de