Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/103

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ſans conſéquence Laurent l’a ſu. La compagnie de cet homme me combloit de chagrin : je ne pouvois pas travailler à mon projet. Orgueilleux, fanfaron, timide, de tems en tems déseſpéré, fondant en larmes il prétendoit de me faire faire les hauts cris d’accord avec lui en me démontrant que cette détention le perdoit de réputation : je lui ai dit que pour la réputation il n’avoit rien à craindre ; et il m’a remercié prenant mon brocard pour un compliment. Je me ſuis diverti un jour à le convaincre que ſon vice dominant étoit l’avarice, au point qu’il ne tiendroit qu’aux inquiſiteurs de le faire reſter en priſon pour toute ſa vie, s’ils euſſent envie de ſe divertir en lui donnant de l’argent d’avance ſous condition qu’il y reſteroit de bon gré pour un tems limité : il tomba d’accord que pour une ſomme conſidérable il pourroit ſe réſoudre à reſter pour un peu de tems ; mais que ce ne ſeroit que pour ſe dédommager de ſes pertes. Ce fut aſſez pour l’obliger à convenir que pour une plus groſſe ſomme il rénouvelleroit la même condition au bout du terme convenu ; et au lieu de ſe mortifier il en a ri. Il étoit Talmudiſte comme tous les juifs qui exiſtent aujourd’hui ; et il