Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/104

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affectoit de me faire voir qu’il étoit très-attaché à ſa religion en conſéquence de ſon ſavoir. En examinant dans la ſuite de ma vie mon genre humain j’ai vu que la plus grande partie des hommes croit que le plus eſſentiel de la religion eſt le cérémonial.

Ce juif extrêmement gras ne ſortoit jamais de ſon lit, et dans la nuit il lui arrivoit de ne pouvoir pas dormir, tandis que je dormois aſſez bien. Il s’aviſa une fois de me réveiller ſur le plus beau de mon repos. Je lui ai demandé avec aigreur pourquoi il m’avoit réveillé, et il me dit que ne pouvant pas dormir il me prioit d’avoir la complaiſance de cauſer avec lui, moyennant quoi il eſpéroit qu’un doux ſomeil viendroit à ſon ſecours. Surpris par un mouvement d’indignation je ne lui ai pas répondu d’abord ; mais dès que je me ſuis trouvé en état de lui parler avec douceur, je lui ai dit que j’étois perſuadé que ſon inſomnie étoit un vrai tourment, et que je le plaignois ; mais qu’une autre-fois que pour s’en ſoulager il s’aviſeroit de me priver du plus grand bien dont la nature me permettoit de jouir dans le grand malheur qui m’accabloit, je ſortirois de mon lit pour aller l’étrangler. Il ne me répondit