Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/105

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pas. Ce fut la dernière fois qu’il me joua ce tour.

Je ne crois pas que je l’aurois étranglé ; mais je ſais qu’il m’en donna la tentation. Un homme en priſon qui dort tranquillement n’eſt pas en priſon pendant ſon doux ſomeil, et l’esclave ne ſait pas d’y être ; tout comme les rois ne régnent pas alors : il doit donc regarder celui qui le réveille comme un bourreau qui vient le priver de ſa liberté, et le replonger dans la miſère : ajoutons qu’ordinairement le priſonnier qui dort rêve d’être en liberté, et que cette illuſion lui tient lieu de réalité. Je me félicitois bien de n’avoir pas commencé mon travail avant l’arrivée de cet homme : il exigea poſitivement qu’on balaye ; j’ai fait ſemblant d’en être malade ; et les archers n’auroient pas exécuté ſon ordre, ſi je m’y fuſſe oppoſé ; mais mon intérêt étoit de me montrer complaiſant.

Le Mercredi ſaint, Laurent nous dit qu’après Terza M. le ſecrétaire monteroit pour nous faire la viſite que de coutume l’on fait tous les ans avant Pâques aux priſonniers, tant pour mettre la tranquillité dans l’ame de ceux qui veulent recevoir le ſaint ſacrement, comme pour ſavoir s’ils n’ont