Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/106

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rien à dire contre le gardien, ce qui ne m’inquiète pas, dit-il, car contre moi vous ne pouvez rien dire. Il nous dit donc de nous habiller completement, car telle étoit l’étiquette. Il me dit, que ſi j’avois envie de faire mes Pâques je n’avois qu’à lui donner mes ordres. Je lui ai dit de me faire venir un confeſſeur.

Je me ſuis donc habillé en tout point, et le juif en fit de même en prenant congé de moi, parcequ’il ſe ſentoit ſûr que le ſecrétaire l’enverroit en liberté d’abord après lui avoir parlé : il me dit que ſon preſſentiment étoit de l’eſpèce de ceux qui ne l’avoient jamais trompé : je l’en ai félicité. Le ſecrétaire arriva, on ouvrit le cachot, et le juif ſortit, ſe jetta à genoux, et je n’ai entendu que pleurs, et cris : cinq à ſix minutes après il rentra, et Laurent me dit de ſortir. J’ai fait une profonde révérence à M. de Buſinello, et après je n’ai fait autre choſe que le regarder : nul mouvement, et pas un ſeul mot : cette ſcène muette de part, et d’autre dura autant que celle de mon camarade. Le ſecrétaire me fit une inclination de tête d’un demi pouce, et s’en alla. Je ſuis rentré d’abord pour me déshabiller, et mettre