Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/110

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et la chaleur de mes prières diminua, mais non pas l’envie, ni la déciſion de m’enfuir : ce bonheur m’eſt arrivé, comme le lecteur verra, dans le jour de la fête du ſaint mon protecteur ; car s’il y en avoit un il devoit ſe trouver dans ce jour là : je n’ai jamais ſu ſon nom ; mais c’eſt égal : je ne lui ai pas été pour cela moins reconnoiſſant. C’eſt ainſi que la prophétie du jéſuite dût s’avérer. J’ai regagné ma liberté le jour de la Touſſaints.

Deux, ou trois ſemaines après Pâques on me délivra du juif ; mais ce pauvre homme ne fut pas renvoyé chez lui : on le mit aux quatre d’où il ſortit quelques années après pour aller paſſer le reſte de ſes jours à Trieſte.

D’abord que je me ſuis vu tout ſeul je me ſuis mis à mon ouvrage avec le plus grand empreſſement. J’avois beſoin de l’achever, et de m’en aller avant qu’on m’emmenât quelque nouvel hôte qui eût voulu qu’on balaye. J’ai retiré mon lit, j’ai allumé ma lampe, je me ſuis jetté ſur le plancher mon eſponton à la main, après avoir étendu à côté de l’endroit une ſerviette pour recueillir les petits débris du bois que j’allois ronger avec la pointe du verrou : il s’agiſſoit de détruire la planche à force d’y enfoncer le fer :