Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/121

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un compliment à Madame l’ambaſſadrice ; et j’allois ſortir lorsque M. de Ros. me dit tout haut : vous êtes bien heureux de pouvoir parler à une ſi aimable dame ! ce n’eſt que dans des pareils momens que le perſonnage que je repréſente fait que le plus beau pays du monde devient ma galère. Dites-lui, je vous prie, que je la connois, et que les lois qui m’empêchent de lui parler ici n’auront aucune force à la cour de Vienne, où je la verrai l’année prochaine, et où je lui ferai la guerre. Madame de R…, qui vit que le comte parloit d’elle, me fit ſigne, et me demanda en riant ce qu’il avoit dit : je lui ai redit le compliment, et elle m’ordonna de lui répondre qu’elle acceptoit la déclaration de guerre, et que l’on verroit quel ſeroit celui des deux qui ſauroit la faire à l’autre plus habilement. Je n’ai pas cru de commettre un crime en rendant cette réponſe qui n’étoit qu’un compliment : j’ai perdu quelques cequins au pharaon, et j’ai rejoint ma compagnie. Après l’opera nous fûmes manger un poulet, et nous retournâmes ici. Il étoit quatorze heures : je me ſuis d’abord rendu chez moi pour dormir jusqu’à vingt ; mais un homme me remit un billet, qui m’ordonnoit d’être à la bouſſole à dix-neuf heures pour entendre ce que