Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/126

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mais je ne me ſuis pas laiſſé le tems de la regrêter. Je n’ai jamais eu garde de recommander à cet honnête homme la diſcrétion. Le moindre de mes doutes ſur cet article m’auroit rendu coupable d’une inſulte.

Le trois de Juillet, Laurent lui dit de ſe préparer à ſortir à Terza, qui dans ce mois ſonne à douze heures. Par cette raiſon il porta mon dîner. Celui de l’abbé ſuffiſait pour quatre, quoiqu’il n’ait vécu que de ſoupe, de fruits, et de quelque verre de vin des Canaries. C’eſt moi qui fis dans ces huit jours une chère exquiſe, qui faiſoit plaiſir à mon ami, qui admiroit mon heureux tempérament. Nous paſſâmes les trois dernières heures dans les proteſtations de la plus tendre amitié. Laurent parut, deſcendit avec lui ; et laiſſa mon cachot ouvert, ce qui me fit juger qu’il alloit d’abord revenir. Un quart d’heure après il reparut, fit emporter tout ce qui appartenoit à cet aimable homme, et me renferma. J’ai paſſé toute la journée fort-triſte ſans rien faire, et même ſans pouvoir lire. Le lendemain Laurent me rendit compte des dépenſes du mois de Juin, et je l’ai vu attendri, lorsqu’ayant trouvé qu’il me reſtoit quatre cequins, je lui ai dit