Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/130

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et en devoir de ne plus répliquer le moindre mot je ſuis ſorti, et j’ai dans l’inſtant reſſenti un petit ſoulagement en l’entendant ordonner à un des ſiens de le ſuivre avec mon fauteuil. Mon eſponton étoit caché dans ſa paille : c’étoit toujours quelque choſe. J’aurois voulu me voir ſuivi par le beau trou que j’avois fait avec tant de peine, mais c’étoit impoſſible : mon corps alloit, mais mon ame reſtoit là.

Le bras appuyé ſur l’épaule de cet homme qui par ſes riſées croyoit d’exciter mon courage, j’ai descendu trois petits degrès après avoir paſſé deux étroits corridors : je ſuis entré dans une ſalle aſſez grande, et très-éclairée, et à ſon extrêmité dans le coin à ma main gauche je ſuis entré par une petite porte dans un corridor qui avoit deux pieds de large, et douze de long, et deux fenêtres grillées à ma droite par où on voyoit diſtinctement toute la partie de la ville qui étoit de ce côté là jusqu’au Lido. La porte du cachot étoit au coin de ce corridor : j’ai vu une fenêtre grillée qui étoit vis à vis d’une des deux, de ſorte que le priſonnier quoiqu’enfermé pouvoit jouir en bonne partie de cette agréable perſpective. Le plus important étoit que