Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/179

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cet évenement après avoir tiré hors du livre la lettre que je lui avois écrite. C’eſt à cette occaſion que je me ſuis rendu habile à écrire dans l’obscurité.

Le lendemain après avoir avalé mon bouillon, j’ai voulu m’aſſurer de ce dont je me doutois déjà. Je lui ai dit que je voulois ajouter quelque choſe ſur une des deux lettres, et que nous la recoudrions après : le ſot me dit que c’étoit inutile, et dangéreux, puisqu’on pouvoit venir dans ce moment là, et nous ſurprendre. Je fus pour lors ſûr de ſa trahiſon, et je lui ai dit que je voulois cela abſolument : ce monſtre alors ſe jetta à genoux, et me jura qu’à ſa ſeconde apparition devant le redoutable ſecrétaire, il lui prit un grand tremblement, et une péſanteur inſoutenable au dos dans l’endroit même où les lettres étoient, et que le ſecrétaire lui ayant demandé ce qu’il lui arrivoit, il n’avoit pu s’empêcher de lui déclarer la vérité : qu’il avoit ſonné alors, et que Laurent l’ayant dégaroté, et ôté ſa veſte, il avoit découſu les lettres, que le ſecrétaire avoit miſes dans un tiroir après les avoir lues : il me dit que le ſecrétaire l’avoit aſſuré, que s’il eût porté ces lettres on l’auroit ſu, et que ſa faute lui auroit couté la vie.