Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/180

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J’ai fait alors ſemblant de me trouver mal : j’ai porté mes mains devant mon viſage, je me ſuis jetté ſur le lit à genoux devant le crucifix, et la vierge, et je leur ai demandé vengeance du monſtre qui m’avoit perdu en violant le plus ſolennel de tous les ſermens. Après cela je me ſuis couché ſur le côté avec mon viſage tourné vers la cloiſon, et j’ai eu la conſtance de me tenir ainſi ſans articuler le moindre mot pour toute la journée, faiſant ſemblant de ne pas entendre les pleurs, les cris, et les proteſtations de repentir de cet infâme. J’ai joué mon rôle à merveille pour une comédie, dont j’avois déjà tout le canevas dans ma tête. J’ai écrit dans la nuit au père Balbi de venir à dix-neuf heures préciſes, pas une minute avant ni après pour achever ſon travail, et de ne travailler que quatre heures, de ſorte que ſans nulle faute il devoit partir préciſément, lorsqu’il entendroit ſonner vingt-trois heures. Je lui ai dit que notre liberté dépendoit de cette fidelle exactitude, et qu’il n’y avoit rien à craindre.

Nous étions au vingt-cinq d’Octobre, et les jours s’approchoient dans lesquels je devois exécuter mon projet, ou l’abandonner