Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/193

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faire autrement dans la néceſſité où j’étois de me ſauver. Je ne me confeſſe pas non plus d’avoir fait ce que j’ai fait, parceque je n’en rougis pas, parceque je ne me ſens pas repenti, et parceque je ſens que j’en agirois de même aujourd’hui, ſi le cas l’exigeoit. La nature m’ordonnoit de me ſauver ; la religion ne me le défendoit pas ; je n’avois pas de tems à perdre ; il falloit mettre un eſpion que j’avois avec moi, et qui m’avoit communiqué ſa façon de penſer, dans l’impuiſſance d’avertir Laurent qu’on rompoit le toit du cachot : que devois-je faire ? Je n’avois que deux moyens, et il falloit opter : ou faire ce que j’ai fait en lui enchaînant l’ame, ou l’étouffer en l’étranglant ce qui m’auroit été beaucoup plus facile ſans rien craindre, car j’aurois dit qu’il étoit mort de ſa mort naturelle, et on ne ſe ſeroit donné, à ce que je crois, nulle peine pour ſavoir, ſi c’étoit vrai, ou faux. Or quel eſt le lecteur qui pourra penſer que j’aurois mieux fait à l’étrangler ? S’il y en a un, Dieu puiſſe l’éclairer : ſa religion ne ſera jamais la mienne. J’ai fait mon devoir, et la victoire qui couronna mon exploit peut être une preuve qu’il fut approuvé de la providence éternelle. Pour ce qui regarde le ſerment que je lui ai