Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/202

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ſeroit inconſéquente, puisqu’il prieroit Dieu de faire réuſſir une choſe, à laquelle il n’auroit pas contribué par les moyens ordinaires. Quisque ſibi eſt Deus. Le ſon de ſa voix me fit voir ſes larmes : elles eurent la force de m’émouvoir ; il me demanda, ſi deux cequins me ſuffiſoient ; je lui ai dit que tout devoit me ſuffire. Il me les donna en me priant de les lui rendre, ſi après avoir fait un tour ſur le toit, j’euſſe pris le parti de rentrer dans mon cachot. Cette ſuppoſition me fit presque rire, puisque ce retour ne me paroiſſoit pas vraiſemblable.

J’ai appellé mes compagnons, et nous mîmes près du trou tout notre équipage. J’ai ſéparé en deux paquets les cent braſſes de corde, et nous paſſâmes trois heures à cauſer. Le père Balbi commença à me donner un bel eſſai de ſon caractère m’ayant répété dix fois que je lui avois manqué de parole, puisque dans mes lettres je l’avois aſſuré que mon plan pour nous ſauver étoit fait, et ſûr, tandis qu’il n’en étoit rien ; et que s’il eût prévu cela il ne m’auroit pas tiré hors du cachot : le comte diſoit que le plus ſage parti étoit celui de reſter où nous étions, car il prévoyoit la fuite impoſſible, et le danger