Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/204

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n’aurions ſu où aller dans la nuit pour nous mettre en état de prendre d’abord la fuite ; et que nous n’aurions pu rien faire, ſi nous euſſions attendu le jour, puisqu’on nous auroit d’abord arrêtés. Il dit que le moindre faux pas ſur les plombs, nous auroit fait gliſſer, et tomber dans le canal, où il ne falloit pas eſpérer d’éviter la mort en ſachant nager, puisqu’il ne s’agiſſoit pas de ſe noyer, mais de reſter écraſés, le fond du canal n’étant que de huit à neuf pieds dans le flux, et de deux ou trois dans le reflux ; qu’un homme donc tombant de ſi haut auroit donné ſur le fond, et ſe ſeroit aſſommé, l’eſpace d’eau n’étant pas aſſez grand pour modérer la violence du plongeon ; que le moindre malheur qui pourroit arriver à celui qui précipiteroit dans le canal ſeroit d’avoir les bras ou les jambes caſſées.

J’écoutois ces discours avec une patience qui n’étoit point du tout analogue à mon caractère : les reproches du moine lancés ſans aucun ménagement m’indignoient, et m’excitoient à les repouſſer dans les termes qui leur étoient dûs ; mais j’ai vu que j’allois ruiner tout mon édifice, car il me paroiſſoit impoſſible de m’en aller tout ſeul, ou avec So-