Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/205

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radaci traître de métier, et lâche par nature : je me ſuis donc contenté de dire avec douceur au père Balbi qu’il pouvoit être ſûr que je ne l’avois pas trompé, et que nous nous ſauverions malgré que je ne fuſſe pas en état de lui détailler mon plan. J’ai dit au comte Asquin que ſon raiſonnement étoit ſage ; et que j’en tirerois parti pour me régler avec prudence : que certainement l’accident de tomber dans le canal ne nous arriveroit pas, et que ma confiance en Dieu étoit plus grande que la ſienne. Soradaci n’ouvroit jamais la bouche : j’allongeois ſouvent les mains pour ſavoir, s’il étoit là, ou s’il dormoit : je riois en ſongeant à ce qu’il pouvoit rouler dans ſa méchante cervelle, qui devoit connoître que je l’avois trompé. À quatre heures et demi je lui ai dit d’aller voir dans quel endroit du ciel étoit le croiſſant : il me dit en retournant qu’on ne le verroit plus dans une demi heure ; et qu’un brouillard très-épais devoit rendre les plombs fort-dangéreux : je lui ai dit qu’il ſuffiſoit que le brouillard ne fût pas de l’huile, et je lui ai demandé, s’il avoit mis ſon manteau dans un paquet : vous me ferez auſſi le plaiſir, lui dis-je, d’attacher à votre cou un paquet de nos cordes : je porterai l’autre moi-même.