Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/206

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Je fus alors fort-surpris de ſentir cet homme à mes genoux, prendre mes mains, les baiſer, et me dire en pleurant qu’il me ſupplioit de ne pas vouloir ſa mort. Il étoit ſûr, diſoit-il, de tomber dans le canal, où ſavoir nager ne lui ſerviroit de rien. Il m’aſſura qu’il ne me ſeroit d’aucune utilité ; mais qu’il pourroit bien au contraire m’embarraſſer, et que, ſi je l’euſſe laiſſé là, il auroit paſſé toute la nuit à prier S. François de m’aſſiſter : le ſot termina ſa prière en me diſant que j’étois le maître de le tuer, mais que n’étant pas déseſpéré il ne ſe détermineroit jamais à me ſuivre. J’ai écouté cette harangue avec plaiſir, car une pareille compagnie ne pouvoit que me porter malheur.

Je lui ai répondu qu’en ſe tenant dans ſon cachot à prier S. François il me ſeroit beaucoup plus utile, que s’il me ſuivît, et que j’allois ſur le champ lui faire préſent de tout ce qui m’appartenoit, les livres exceptés qu’il devoit aller prendre dans la minute pour les porter tous à M. le comte. Soradaci, ſans me répondre courut vite dans mon cachot, et en quatre voyages porta au comte tous mes livres, qui me dit qu’il les tiendroit en dépôt, ne me répondant rien, lorsque je lui ai dit