Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/208

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doit tout faire pour ſe procurer la liberté. Leur droit a pour baſe la juſtice ; celui du coupable a la nature. Tout comme ils n’eurent pas beſoin de ſon conſentement pour l’enfermer, il ne peut pas avoir beſoin du leur pour ſe ſauver. Ja. Ca. qui écrit ceci dans l’amertume de ſon cœur ſait qu’il peut lui arriver le malheur, qu’avant qu’il ſoit hors de l’état on le rattrappe, et on le reconduiſe entre les mains de ceux-mêmes, dont il fuit le glaive, et dans ce cas il ſupplie à genoux l’humanité de ſes généreux juges à ne vouloir pas rendre ſon ſort plus cruel en le puniſſant de ce qu’il a fait, forcé par la raiſon, et par la nature : il ſupplie qu’on lui rende, s’il eſt repris, tout ce qui lui appartient, et qu’il le laiſſe dans le cachot qu’il a violé. Mais s’il a le bonheur de parvenir à ſe voir libre hors de l’état, il fait préſent de tout ce qu’il laiſſe ici à François Soradaci, qui reſte priſonnier, parcequ’il craint les dangers, auxquels je vais m’expoſer, et n’aime pas comme moi ſa liberté plus que ſa vie. C… ſupplie la vertu magnanime de LL. EE. de ne pas conteſter à ce miſérable le don qu’il lui fait. Écrit à minuit ſans lumière dans le cachot du comte Asquin ce 31 d’Octobre 1756.